Ça y est, l’année 2020 sera, proclame-t-on un peu partout, l’année de la 5G. On a déjà pu lire beaucoup de chose dessus sans forcément y voir très clair. Tentative personnelle d’éclairage.
La « 5G » est donc la cinquième génération du procédé de téléphonie mobile GSM, né au milieu des années 90. Par rapport à la génération précédente, les avantages qu’elle apporte ont été largement promus : plus de débit, moins de latence, plus de densité.
Le débit d’abord, qui passerait de 100 Mbits/s pour la 4G standard, à 1 Gbits/s à minima pour la 5G, soit un rapport de 1 à 10. Cette évolution a déjà largement été vendue : un film se téléchargerait en une poignée de secondes. Il en fallait quelques dizaines pour la 4G.
La latence ensuite, qui passerait de 10 à 1ms. Moins perceptible, cette qualité, qui mesure le temps de reconnexion entre cellules relais, est pourtant essentielle pour les applications qui nécessite des flux continus, comme le streaming vidéo ou le pilotage des voitures autonomes notamment.
La densité de connexion enfin, qui elle aussi serait multipliée par dix, passant de 100 000 objets connectables par km2 en théorie à 1 million. C’est probablement le paramètre crucial pour le développement des objets connectés.
Des applications nouvelles attendues
Ces améliorations significatives vont ouvrir de nouveaux champs applicatifs. Le premier d’entre eux est tout bonnement l’accès internet haut débit non filaire. Les opérateurs télécom pourront proposer un accès digne de la fibre optique sur des zones où elle est couteuse à déployer comme les zones péri-urbaines [1]. La seconde et probablement la plus attendue, est la connectivité d’objets intelligents itinérants. On pense bien sûr aux véhicules autonomes, qui pourraient recourir à une infrastructure d’appui à distance pour les piloter plutôt que d’embarquer un supercalculateur. Viennent ensuite tous les objets connectés liés à la santé, qui pourraient bénéficier d’un réseau support réellement en temps réel : surveillance du cœur pour les cardiaques, de la glycémie pour les diabétiques, des contractions pour les femmes enceintes ou la vigilance pour les personnes âgées. Autant de fonctions portées par des objets connectés déjà disponibles mais dépendant d’un smartphone et de son réseau pour exister. Là ils pourraient devenir réellement autonomes. Sur le plan industriel, on parle d’usine intelligente, où tous les composants seraient pilotés à distance en temps réel et de manière fiable ; la densité du réseau et la faible latence, apportant des garanties que les technologies existantes n’avaient pas su offrir jusqu’à présent.
La logistique et le commerce ne seront pas en reste. Les colis pourront devenir réellement intelligents. On peut les imaginer équipés de puces connectées, à même d’informer en continu la chaine logistique – du fournisseur au client – sur leur acheminement. Dans la même veine, le commerce de détail verra s’ouvrir de nouveaux horizons avec ces puces connectées : un vrai inventaire physique en temps réel et pas celui calculé par les caisses en sortie, car exprimé par chaque article unitaire, devenu un objet connecté et communicant. Imaginez un ordinateur qui fait l’appel tous les matins pour contrôler qui est présent. Et pourquoi pas un nouveau paradigme commercial, inspiré de la LLD (Location longue durée) largement déployée par les constructeurs automobile ces dernières années. Pour les articles « solides » (hors alimentation notamment) et traçables, pourquoi ne pas imaginer un prix basé sur leur usage et non leur possession, ou à défaut un paiement décalé au démarrage de son utilisation. Prenons le cas d’un pantalon : je le choisi en magasin mais « je ne le paie pas » en sortant de ce dernier. Arrivé à la maison, je l’essai tranquillement, je le soumets à ma femme (autorité de validation en la matière 😊), je l’assemble avec le reste de ma garde-robe pour vérifier que tout s’accordera. Si je suis satisfait, une action simple via une appli, un code à saisir, un QR code à scanner… réalise l’acte d’achat. Dans le cas contraire, je le ramène au magasin dès que possible. On peut même pousser le raisonnement à des usages inattendus que certains vont considérer loufoques à cette heure comme le paiement à l’usage pour n’importe quel appareil. Exemple : je n’achèterai plus pas mon batteur électrique mais me verrai prélevé chaque fois que je monte des blancs en neige. Pas possible ? en reparle dans 20 ans ?
Mais les territoires fonctionnels les plus attendus à proches échéances sont les applications sur smartphone. Non pas, contrairement à ce qui est promu en ce moment autour de la rapidité de téléchargement – qui pour un citadin d’une grande agglomération déjà largement couvert par la 4G n’aura pas de forte incidence – mais autour des applications mobiles in-situ : la réalité virtuelle et/ou augmentée, mise en œuvre notamment sur les jeux, comme l’a initié Pokemon Go il y a quelques temps. Le flux continu en haut débit garanti devra apporter la fluidité nécessaire à ces nouvelles applications tant attendues… mais encore inconnues !
Un déploiement progressif
Pour offrir ces nouvelles performances et ces nouveaux usages, les opérateurs télécom devront revoir leurs infrastructures. Pour faire face à ce défi, nos 4 opérateurs nationaux semblent s’être déjà mis en ordre de marche : duo SFR/Bouygues d’un côté, Orange/Free de l’autre. Car les investissements prévus seront lourds : il faudra remplacer une partie du parc d’antennes existantes et en installer de nouvelles. Car il n’y aura pas de magie en la matière : selon un principe physique bien établi, pour atteindre des hauts débits, il faut des hautes fréquences, et plus une fréquence est élevée, moins la distance parcourable est grande. Il faut donc un maillage plus dense et rapprocher les points entre eux. D’où la multiplication nécessaire des antennes. La bande de fréquence « cœur » de la 5G, entre 3,4 et 3,8 Ghz, nécessitera en effet des antennes spécifiques plus proches de nos appareils : on parle d’antennes installées sur des abribus par exemple. Conscient de l’ampleur du chantier, et pour répondre au pari d’une 5G en 2020, l’état a autorisé les opérateurs télécom à utiliser la bande des 700 Mhz, déjà employée pour la 4G, pour supporter les premiers signaux 5G. Mais comme les ratios différentiant sont impactés à la baisse, on peut s’attendre à une 5G light. Il faudra patienter jusqu’à 2021 voire 2022 pour profiter pleinement de la promesse initiale.
D’autres éléments pourraient d’ailleurs freiner l’explosion de la 5G. Outre le mur du coût pour les opérateurs, ils devront affronter celui de l’acceptabilité de ces nouvelles installations pour les citoyens que nous sommes, déjà inquiets de la pollution électromagnétique de nos environnements. Il y aura aussi celui du renouvellement imposé de nos smartphones, qui en cette époque jugée critique de sur-consommation électronique, peut en ralentir plus d’un. A leur décharge, les constructeurs de smartphone devront eux aussi faire face à de nouveau défis technologiques : songez que la bande de fréquence de 26 Ghz – fréquence reine pour le très haut débit – va imposer de placer jusqu’à 3 antennes dans le smartphone car la main de son utilisateur sera le premier obstacle à franchir. Et c’est sans compter la révision profonde de l’électronique embarquée, car il ne suffit pas de proclamer qu’on va recevoir des Gigabits par seconde, encore faut-il des mémoires capables d’aller aussi vite pour les stocker, ce qui ne semble pas totalement le cas…
En tout état de cause, la révolution 5G est en marche. Elle ambitionne
d’apporter de bien belles évolutions. On peut juste supposer qu’elle ne donnera
tous ses fruits qu’à un rythme plus modeste que son débit semble le promouvoir
ou que son écosystème industriel ne soit capable de suivre.
[1] En évitant les zones rurales, car – lire la suite de l’article – les technologie employées ne permettent pas de couvrir de larges distances imposées en la matière.