« Pensez écologie : n’imprimez ce mail que si c’est nécessaire ! », cette apostrophe accompagne généralement une riche signature avec logo et couleurs de la boite, complété d’un long disclaimer inséré automatiquement par le serveur d’envoi. Tout ça pour un « OK, ça marche », banale réponse à une confirmation de rendez-vous. Il ne faut pas être particulièrement intelligent pour comprendre que le ratio information utile/consistance du message est très faible. Quand on sait ce que coûte un email en transport, traitement et stockage – l’ADEME l’estime in fine à 15 gr de CO2 –, on se dit qu’un tel message n’est en fait pas très écologique.
Et à ce compte, les nouveaux usages du numérique font exploser le compteur de watts et de CO2. Car s’il faut admettre que si les emails perdent un peu de leur ampleur, c’est souvent au profit de réseaux sociaux et autres messageries instantanées. Cherchez un instant à estimer le nombre de flux générés sur internet pour un simple Like d’un post sur Facebook (FB). Vous aurez rapidement le tournis. Ce like qui remonte vers les serveurs de FB, il faut le propager vers les autres connectés, mettre à jour leur flux, parfois en y ajoutant quelques animations, générer des notifications donc des messages et emails et stocker le tout pour que vous puissiez le retrouver. Mon email écolo, c’est de la gnognote à côté. Et je ne n’ose même pas aborder les dernières pratiques à la mode : les selfies à gogo et les live vidéo…
Mais le mal semble plus profond
Les grands opérateurs du web avaient implanté dans les années 2000 de gros datacenters à proximité de centrales électriques à charbon, en Virginie ou Caroline du Nord, pour le faible prix de l’énergie qu’elles procuraient. Greenpeace avait ainsi épinglé en 2012 Apple, Microsoft et Amazon pour leur recours abusif à ces énergies sur-polluantes. Depuis, tout le monde est rentré dans le droit chemin. Et chacun y va de l’annonce d’ouvertures de datacenters « propres », appuyés sur du solaire, de l’éolien, plongés sous l’eau, implantés dans le froid arctique, bref que des solutions vertes. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Il y a dans ces stratégies une approche plus économique qu’écologique. Tous ces opérateurs savent qu’ils doivent maintenir des datacenters de plus en plus gros, pour servir une consommation galopante, qu’ils génèrent eux-mêmes ! L’équation est alors simple : pour rester rentables, il faut réduire les coûts. Et les énergies renouvelables ont ce principal avantage d’être gratuites !
Plus triste, on découvre au détour d’une lecture – le livre évènement de Guillaume Pitron (La guerre des métaux rares, éditions Les Liens qui Libèrent) – , que l’industrie de la transition énergétique et plus largement du numérique semble tout sauf propre. Tantale, cobalt, indium, et tant d’autres métaux rares, sont indispensables à ces technologies, de l’Iphone au panneau solaire, en passant par les batteries de nos voitures électriques. Or, l’extraction de ces métaux rares coute une fortune, au sens propre comme au figuré. Il faut bien souvent soulever de gros volumes de minerai brut pour extraire quelques kilos de matière utile. On imagine l’état des territoires impactés par ces industries. En RDC, pour le Cobalt, et surtout en Chine, pour la majorité des métaux rares, dont elle s’est fait la spécialité. Avec ce que l’on sait d’elle sur ce qu’elle peut accepter pour gagner la guerre économique : conditions sociales, humaines et sanitaires désastreuses, impacts écologiques totalement ignorés, etc…
L’humain à la rescousse
Comme de coutume, la solution viendra de nos comportements. On sait qu’on ne va pas abandonner notre smartphone au profit d’un téléphone filaire en bakélite et qu’on écoutera plus de musique sur un poste à galène. Donc, on réfléchit à deux fois avant de cliquer sur Like, de partager la n-ème vidéo de chat acrobate ou de prendre des photos inutiles stockées dans le cloud de son smartphone…