Les métavers, des futurs probables à l’e-commerce

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Bien connus des joueurs en ligne ou des anciens résidents de Second Life, ces univers virtuels, après un passage à vide, reviennent sur le devant de la scène. Nouvelles technologies et nouveaux services se multiplient et tentent de sortir ces métavers de leur dimension de divertissement : et pourquoi pas de nouvelle façon de faire des affaires ?

La dernière annonce de Facebook sur sa solution de réalité virtuelle Horizon, à vocation sociale et professionnelle, a remis en selle, dans la bouche de son patron Mark Zuckerberg, le concept de Métavers. Pour les novices – dont je faisais partie -, ce néologisme désigne un espace virtuel en 3D, reproduisant plus ou moins fidèlement notre réalité, dans lequel chaque individu se voit représenté sous la forme d’un avatar, un personnage au profil physique voire psychologique totalement paramétrable, et qui peut se mouvoir et agir librement dans des environnements plus ou moins préconçus. Issu de leur univers, les amateurs de jeux vidéo reconnaîtrons ici des fonctionnalités bien banales. Même sur le concept, les fans de Second Life dans la décennie 2000 ou des Sims encore avant, ou plus récemment d’Animal Crossing ou Fornite, n’y verront rien de novateur. Pire, si on s’arrête sur le cas de Second Life, le principe, malgré un petit regain d’activité pendant la pandémie, s’est épuisé et beaucoup ont déserté ces mondes virtuels. Sur les aspects purement frontaux, ces métavers peuvent donc sembler être du réchauffé. Il faut cependant admettre que sur le fond, quelques révolutions sont en marche.

Une convergence de nouvelles offres

Devenant de plus en plus abordables, fiables et précises, les lunettes 3D ou casques de réalité virtuel sont au cœur du mouvement. Elles permettent d’être immergé sans interférences visuelles dans ce monde 3D. L’annonce récente de Facebook Horizon visait surtout à promouvoir son produit Oculus Quest2, un kit complet de réalité virtuel, comprenant le casque, deux manettes et une série de services et d’applications dédiés. La vidéo de démonstration propose des scénettes de téléréunion assez démonstratives voire bluffantes (https://www.youtube.com/watch?v=lgj50IxRrKQ).

Sur les plans équipements et infrastructures, les cartes graphiques boostées à l’IA, les technologies cloud arrivées à maturité et les débits réseaux toujours en augmentation, notamment avec le déploiement de la 5G, améliorent grandement la fluidité des animations et la définition graphique des images et offrent un rendu de plus en plus réaliste et crédible.

L’autre grande nouveauté est l’entrée en lice des cryptomonnaies comme moyens de transaction. La notion de monnaie dans un univers virtuel a toujours été présente : Second Life avait son Linden dollar ou Fornite ses V-Bucks. Mais jusqu’alors, on jouait surtout autour de crédits d’utilisation qu’on pouvait acquérir, gagner, consommer ou parfois céder, dans une logique parfaitement orchestrée par la plateforme elle-même, comme le ferait une banque centrale sur les marchés. Les nouveaux métavers s’appuient eux sur les cryptomonnaies, l’Ethereum ou ses variantes, qui ont nativement des fonctionnements bien plus autonomes.

Par extension, la décentralisation est aussi au cœur de ces nouveaux métavers. D’une architecture centralisée d’un Second Life où tous les serveurs étaient hébergés en Californie, on passe à un Decentraland au nom évocateur, s’appuyant sur les architectures peer-to-peer de la BlockChain Ethereum, pour répartir charge et sécurité de fonctionnement.

De nouveaux biens commercialisables

Mais probablement l’élément qui marquera ces métavers est le déploiement des NFT. Si le commerce d’éléments immatériels, comme l’accès à des services en ligne tels que le streaming vidéo ou musical, les jeux ou les formations à distance n’a pas attendu les mondes virtuels pour exister, le procédé NFT (Non Fungible Token, ou Jeton non interchangeable) ouvre indubitablement de nouvelles perspectives de business. Un NFT est un certificat numérique qui identifie, grâce à la blockchain, de manière fiable et sécurisée, un actif numérique (une image, un texte, un son ou une vidéo) mais aussi son propriétaire. Appuyé généralement sur l’Ethereum comme monnaie de valorisation, cet actif peut donc se négocier sur un marché comme n’importe quel bien cessible. Des exemples ont déjà été largement médiatisés : l’œuvre virtuelle de l’artiste américain Beeple, « Everydays : The First 5000 Days », a été vendue en mars dernier 69,3 millions de dollars ; Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, vend son tout premier tweet pour 2,9 millions. Ça c’est pour les pièces uniques remarquables. Mais le vrai marché en devenir ressemblera probablement celui initié par la NBA, la fédération américaine de basket. Elle a ouvert il y a quelques mois un service dénommé NBA Top Shot, qui n’a de produits que des séquences vidéo courtes, des extraits de match, estampillées NBA. Les fans de basket peuvent acheter ces séquences par pack, pour quelques dollars (de 9 à 230 selon la valeur estimée) et bien sûr les échanger ensuite sur un second marché. Si vous avez joué aux cartes Panini de foot ou autre dans la cour de récrée quand vous étiez gamin, vous pourrez comprendre pourquoi cela marche : la plateforme annonce avoir dégagé 240 millions de dollars de chiffre d’affaires dans cette première phase. Le plus étonnant dans l’affaire c’est que la plupart des matchs dont sont extraites ces vidéos sont accessibles de manière ouverte sur YouTube…: on comprend donc que c’est l’instinct de propriété qui joue à plein dans contexte.

Voir un exemple : https://nbatopshot.com/listings/p2p/208ae30a-a4fe-42d4-9e51-e6fd1ad2a7a9+ba2c1c1f-9a4b-430e-b54c-13a695733c74

Instinct de propriété qui est aussi sollicité dans le metavers Decentraland : Un lot de terrains s’est récemment vendu pour plus de 900 000 dollars. Composé de 259 parcelles de terrain, est un des plus gros investissements en terrain dans Decentraland en termes de taille. Pourquoi faire ? il faut simplement se souvenir que dans ce metavers, l’ensemble des actions sont calquées sur la vraie vie : il faut gagner de quoi vivre, s’habiller, se loger, travailler… Republic Realm, la société à l’origine de cette acquisition, se comporte simplement en promoteur immobilier virtuel, prévoyant immeubles d’habitation et surtout centres commerciaux dont il percevra plus tard les redevances.

Les frontières du réel

Mais un univers virtuel, aussi consistant et réaliste qu’il soit possible de fabriquer, ne pourra cependant atteindre la consommation physique de masse, hors de la sphère des geeks et autres digital native. Il faut envisager des passerelles. C’est la base du concept du Boson Protocol, une logique de commerce totalement décentralisé, où données, monnaies et transactions pourront s’opérer et s’échanger sans aucun intermédiaire tout en restant connectable aux échanges physiques. L’ambition est énorme car elle vise à virtualiser les interactions entre tous les acteurs de la chaine de commerce : du comparateur de prix, à la gestion des identités, en passant par les assureurs, les plateformes de paiement, de livraison ou d’e-réputation. C’est en tout cas la promesse de Portal, la plateforme implémentant ce protocole.

Dans un premier temps, il s’agit de porter virtuellement un vêtement et de s’exposer ainsi puisque, comme le montre les images de démonstration, on peut acheter la photo sur laquelle est porté le vètement. Un produit ciblé influenceurs mode indéniablement. Plus tard, on pourra se mouvoir en portant le vêtement, en adapter la taille et ainsi l’apprécier sous toutes ses coutures. Si cela convient, on passe commande via l’acquisition de NFT pour recevoir le produit.

https://medium.com/bosonprotocol/introducing-dressx-bef254843126

Incontestablement, tout se mets en place pour ouvrir la nouvelle ère du commerce électronique, au sens propre du terme. Bon, à cette heure, pour un boomer comme moi, j’ai encore un peu de mal à m’y projeter mais il va falloir s’y faire.

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