Même dans le digital, il ne faut pas avoir raison trop tôt

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C’est en voyant ressurgir des offres de sites d’achats groupés que l’idée est remontée à la surface : c’est fou le nombre de concepts que de nouveaux arrivants présentent comme innovants mais qui, au fond, ont déjà eu des prédécesseurs. Comme si ceux-là avaient eu raison trop tôt.

marquesIl faut se remémorer les années 95/2000, et la première révolution internet qui a fini comme on sait : une bulle qui éclate. Je me souviens de la frénésie de certains investisseurs, déjà prompts à devancer les révolutions à venir, avec des concepts que seul le web – enfin pensait-on – pouvait initier. C’était le cas des sites d’achats groupés, tel l’emblématique CLUST, qui proposait de commander à plusieurs la machine à laver le linge modèle XYZ de chez Bidule, de sorte que le site puisse négocier auprès du fournisseur une remise conséquente… Mais le marché n’était pas prêt, ni les consommateurs, ni les fournisseurs ne semblaient prompts à apprécier les enjeux d’une telle approche. Il faut attendre le rouleau compresseur Groupon et ses millions de dollars investis, rien qu’en Europe, en support markéting et commercial pour que le concept revienne sur la place publique. Mais dans ce cas la recette était finalement ancestrale : on a beau être à l’ère du numérique, il a fallu aller sur le terrain, physiquement avec des centaines de commerciaux, convaincre des commerces en tout genre, pour que la mayonnaise prenne. Et encore, le soufflé est de lui-même retombé, une fois la frénésie médiatique passée, comme un feu de paille qui s’éteint.

Dans la même veine, il faut citer Netflix : franchement, ce n’est qu’un vidéo-club en ligne, et ça fait même un peu ringard de le désigner ainsi. Et pourtant, ça a bien commencé comme ça. D’autres y avaient pensé en leur temps, y avaient investi même, y compris en France. Ils se sont brûlés les ailes et y ont laissés des plumes. Depuis, il y a Molotov qui relève le défi mais y’a du boulot.

Il faut cependant le reconnaître, parfois le plagiat n’est pas totalement juste. La technologie est entrée dans le jeu et vient ringardiser un procédé établi. Un Coyotte en France, pionnier du partage de l’information routière, s’est fait laminé par un Waize à l’intelligence bien supérieure. Un Deliveroo écrase en quelques mois un bon vieux Alloresto, en ne proposant pas un nouveau service mais une nouvelle manière de l’organiser.

Parfois les derniers arrivés sur un concept sont tellement présents qu’on leur en attribut abusivement la paternité. Ainsi, pour les plus jeunes des lecteurs, on en est à penser que Facebook a inventé le réseau social, Google le moteur de recherche (bon c’est un peu vrai), YouTube le streaming vidéo et Spotify la musique en ligne. Non, non, d’autres avaient défriché le terrain : Les Skyblog ou MySpace pour les réseaux sociaux, AltaVista pour l’indexation, realPlayer pour la vidéo ou Napster pour la musique. Mais ils ont tous été victimes finalement de cette malédiction du premier arrivé : on est tout seul, on est bien, tellement bien qu’on ne voit pas arriver les nouveaux, avec leurs idées neuves et des ambitions exacerbées par sa propre réussite. Du coup, selon cet adage, je me dis que Google devrait un peu s’inquiéter : j’ai l’intention de monter un moteur d’indexation révolutionnaire, avec la ferme intention de devenir Kalif à la place du Kalif…

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